El río Pachachaca - José María Arguedas - Los ríos profundos

"... A veces podía llegar al río, tras varias horas de andar. Llegaba a él cuando más abrumado y doliente me sentía. Lo contemplaba, de pie sobre el releje del gran puente, apoyándome en una de las cruces de piedra que hay clavadas en lo alto de la columna central.

El río, el Pachachaca temido, aparece en un recodo liso, por la base de un precipicio, donde no crecen sino enredaderas de flor azul. En ese precipicio suelen descansar los grandes loros viajeros; se prenden de las enredaderas y llaman a gritos desde la altura.

Hacia el este, el río baja en corriente tranquila, lenta y temblorosa; las grandes ramas de chachacomo que rozan la superficie de sus aguas se arrastran y vuelven violentamente, al desprenderse de la corriente. Parece un río de acero líquido, azul y sonriente, a pesar de su solemnidad y de su hondura. Un viento casi frío cubre la cima del puente.

El puente del Pachachaca fue construido por los españoles. Tiene dos ojos altos, sostenidos por bases de cal y canto, tan poderosos como el río. Los contrafuertes que canalizan las aguas están prendidos en las rocas, y obligan el río a marchar bullendo, doblándose en corrientes forzadas. Sobre las columnas de los arcos, el río choca y se parte; se eleva el agua lamiendo el muro, pretendiendo escalarlo, y se lanza luego en los ojos del puente. Al atardecer, el agua que salta de las columnas, forma arcoiris fugaces que giran con el viento.

Yo no sabía si amaba más al puente o al río. Pero ambos despejaban mi alma, la inundaban de fortaleza y de heroicos sueños. Se borraban de mi mente todas las imágenes plañideras, las dudas y los malos recuerdos.

Y así, renovado, vuelto a mi ser, regresaba al pueblo; subía la temible cuesta con pasos firmes. Iba conversando mentalmente con mis viejos amigos lejanos: don Maywa, don Demetrio Pumaylly, don Pedro Kokchi... que me criaron, que hicieron mi corazón semejante al suyo..."

José María Arguedas, Los ríos profundos

"... Parfois je pouvais arriver jusqu'au fleuve, après plusieurs heures de marche. J'y arrivais au moment où je me sentais le plus accablé et endolori. Je le contemplais, debout sur la retraite du pont, appuyé sur l'une des croix de pierre plantées en haut de la colonne centrale.

Le fleuve, le redoutable Pachachaca, apparaît en formant un coude lisse, en bas d'un précipice, où ne poussent que des liserons bleus. Dans ce précipice les grands perroquets voyageurs se reposent; ils s'empêtrent dans les liserons et appellent à grands cris depuis les hauteurs.

Vers l'est, le fleuve descend tranquille, lent, tremblant; les grandes branches de chachacomo qui frôlent la surface de ses eaux se traînent et reviennent avec violence lorsqu'elles se libèrent du courant. On dirait un fleuve d'acier liquide, bleu et souriant, malgré sa solennité et sa profondeur. Un vent presque froid souffle en haut du pont.

Le pont du Pachachaca fut contruit par les espagnols. Il a deux hautes arches, soutenues par des bases massives, tout aussi puissantes que le fleuve. Les contreforts qui canalisent les eaux contraignent le fleuve à bouillonner, à se plier en courants forcés. Sur les colonnes, le fleuve se cogne et se brise; l'eau monte, lèche le mur et tente de l'escalader, puis se jette dans les arches du pont. Le soir, l'eau qui jaillit des colonnes forme de fugaces arcs-en-ciel qui tournent avec le vent.

Je ne savais pas lequel j'aimais le plus, le pont ou le fleuve. Mais les deux éclaircissaient mon âme, l'inondaient de rêves héroïques. Toutes les images plaintives, les doutes et les mauvais souvenirs s'effaçaient de mon esprit.

Et alors, régénéré, redevenu moi-même, je retournais au village, je montais la terrible côte d'un pas décidé. Je dialoguais mentalement avec mes vieux amis lointains: don Maywa, don Demetrio Pumaylly, don Pedro Kokchi..., qui m'avaient élevé, et avaient rendu mon coeur semblable au leur..."

Traduit de José María Arguedas, Los ríos profundos

Traduction française: Véronique RAMOND