El crimen fue en Granada
Se le vio, caminando entre fusiles,
por una calle larga,
salir al campo frío,
aún con estrellas, de la madrugada.
Mataron a Federico
cuando la luz asomaba.
El pelotón de verdugos
no osó mirarle la cara.
Todos cerraron los ojos;
rezaron: ¡ni Dios te salva!
Muerto cayó Federico.
-sangre en la frente y plomo en las entrañas-.
…Que fue en Granada el crimen
sabed -¡pobre Granada!-, en su Granada…
Se le vio caminar solo con Ella,
sin miedo a su guadaña.
Ya el sol en torre y torre; los martillos
en yunque - yunque y yunque de las fraguas.
Hablaba Federico,
requebrando a la muerte. Ella escuchaba.
“Porque ayer en mi verso, compañera,
sonaba el golpe de tus secas palmas,
y diste el hielo a mi cantar, y el filo
a mi tragedia de tu hoz de plata,
te cantaré la carne que no tienes,
los ojos que te faltan,
tus cabellos que el viento sacudía,
los rojos labios donde te besaban…
Hoy como ayer, gitana, muerte mía,
qué bien contigo a solas,
por estos aires de Granada, ¡mi Granada!”
Se le vio caminar…
Labrad, amigos,
de piedra y sueño, en el Alhambra,
un túmulo al poeta,
sobre una fuente donde llore el agua,
y eternamente diga:
el crimen fue en Granada, ¡en su Granada!
Antonio Machado
Olivo cerca del que supuestamente fue fusilado Federico García Lorca, entre Víznar y Alfacar - Camino de la muerte
Extracto del discurso pronunciado en la inauguración del monumento a la memoria de Federico García Lorca, en Sao Paulo, en 1968, cuando sigue Españo bajo el yugo franquista.
Pablo neruda, autor del discurso, era un amigo de Lorca, uno de los mayores poetas y dramaturgos españoles, asesinado por la barbarie franquista en 1936, a los 38 años de edad en Viznar, cerca de Granada.
Querían matar la luz de España
« …Hay dos Federicos : el de la verdad y el de la leyenda. Y los dos son uno solo. Hay tres Federicos, el de la poesía, el de la vida y el de la muerte. Y los tres son un solo ser. Hay cien Federicos y cantan todos ellos. Hay Federicos para todo el mundo. La poesía, su vida y su muerte se han repartido por la tierra. Su canto y su sangre se multiplican en cada ser humano. Su breve vida crece y crece. Su corazón destrozado estaba repleto de semillas : no sabrán los que lo asesinaron que lo estaban sembrando, que echaría raíces, que seguiría cantando y floreciendo en todas partes, y en todos los idiomas, cada vez más sonoro, cada vez más viviente. Los usurpadores que aún gobiernan a España quieren enmascarar su muerte terrible. La crónica oficial la describe como un fait divers, como una fatalidad de los primeros días sangrientos. Pero no es así. Lo prueba el hecho de que otro maravilloso poeta, el joven Miguel Hernández, fue mantenido hasta morir en los presidios fascistas. Se trató de una agresión contre la inteligencia, dirigida y realizada con una premeditación espantosa. Un millón de muertos, medio millón de exilados. El martirio del poeta fue un asalto de la oscuridad : querían matar la luz de España.
El monumento de Flavio de Carvalho, bello misterioso y transparente es un acontecimiento en nuestras vidas. Esperamos, sin embargo, el mejor monumento a la gloria de Federico García Lorca: la liberación de España. »
Pablo Neruda, Para nacer he nacido, Seix barral 1988
« …Il y a deux Federicos : celui de la vérité et celui de la légende. Et les deux ne font qu’un. Il y a trois Federicos : celui de la poésie, celui de la vie et celui de la mort. Et les trois ne forment qu’un seul être. La poésie, sa vie et sa mort se sont réparties sur la terre. Son chant et son sang se multiplient en chaque être humain. Sa brève vie grandit encore et encore. Son cœur déchiré était rempli de graines. Ceux qui l’ont assassiné ne savaient sans doute pas qu’ils étaient en train de le semer, qu’il prendrait racine, qu’il continuerait à chanter et à fleurir partout, dans toutes les langues, toujours plus sonore, toujours plus vivant. Les usurpateurs qui gouvernent encore l’Espagne veulent masquer sa terrible mort. La chronique officielle la décrit comme un fait divers, comme une fatalité des premiers jours sanglants. Mais la vérité est toute autre. La preuve en est qu’un autre merveilleux poète, le jeune Miguel Hernández, a été retenu prisonnier jusqu’à en mourir dans les prisons fascistes. Il s’agit d’une agression contre l’intelligence, dirigée et réalisée avec une effroyable préméditation. Un million de morts, un demi-million d’exilés. Le martyr du poète fut un assaut des ténèbres : ils voulaient tuer la lumière de l’Espagne.
Le monument de Flavio de Carvalho, beau, mystérieux et transparent, est un évènement dans nos vies. Nous attendons, cependant, le plus beau monument à la gloire de Federico García Lorca : la libération de l’Espagne."
Traduit de Pablo Neruda, Pour naître je suis né, Seix Barral 1988
Traduction française: Véronique RAMOND
Le crime a eu lieu à Grenade
A Federico García Lorca
I
Le crime
On le vit, avançant au milieu des fusils,
Par une longue rue,
Sortir dans la campagne froide,
Sous les étoiles, au point du jour.
Ils ont tué Federico
Quand la lumière apparaissait.
Le peloton de ses bourreaux
N'osa le regarder en face.
Ils avaient tous fermé les yeux ;
Ils prient : Dieu même n'y peut rien !
Et mort tomba Federico
- du sang au front, du plomb dans les entrailles –
… Apprenez que le crime a eu lieu à Grenade
- pauvre grenade ! -, sa Grenade…
II
Le poète et la mort
On le vit s'avancer seul avec Elle,
sans craindre sa faux.
- Le soleil déjà de tour en tour ; les marteaux
sur l'enclume – sur l'enclume des forges.
Federico parlait ;
il courtisait la mort. Elle écoutait
« Puisque hier, ma compagne résonnait dans mes vers
les coups de tes mains desséchées,
qu'à mon chant tu donnas ton froid de glace
et à ma tragédie
le fil de ta faucille d'argent,
je chanterai la chair que tu n'as pas,
les yeux qui te manquent,
les cheveux que le vent agitait,
les lèvres rouges que l'on baisait…
Aujourd'hui comme hier, ô gitane, ma mort,
que je suis bien, seul avec toi,
dans l'air de Grenade, ma grenade ! »
III
On le vit s'avancer…
Élevez, mes amis,
dans l'Alhambra, de pierre et de songe,
un tombeau au poète,
sur une fontaine où l'eau gémira
et dira éternellement :
le crime a eu lieu à Grenade, sa Grenade !
Antonio Machado